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lundi 21 octobre 2013

Les onze mille vierges

Les onze mille vierges furent martyrisées ainsi qu'il suit : Il y avait en Bretagne un roi fort chrétien nommé Notlhus, ou Maurus, dont la fille s'appelait Ursule. Elle se faisait distinguer par la douceur admirable de ses mœurs, sa sagesse et sa beauté; de sorte que sa renommée était répandue en tout lieu. Or, le roi d'Angleterre, prince fort puissant, qui avait subjugué à ses lois une quantité de nations, en entendant parler de cette jeune vierge, avouait qu'il serait le plus heureux des hommes si elle épousait son fils unique. Le jeune homme en témoignait aussi un ardent désir. On envoie donc une ambassade solennelle au père de la jeune fille; à des flatteries et à de grandes promesses on ajoute des menaces, si les ambassadeurs reviennent sans une réponse favorable. Le roi de Bretagne se trouva dans une extrême anxiété. Il regardait comme une indignité de donner à un adorateur des idoles une personne qui s'était rangée sous la foi de J.-C. ; il savait bien d'ailleurs qu'elle n'y consentirait jamais ; enfin, il redoutait singulièrement la férocité du roi anglais.

 Le Rêve de sainte Ursule, Venise Vittore Carpaccio, the Dream of St Ursula; tempera on canvas, 274 x 267 cm; Gallerie dell'Accademia, Venice c.1495–1500 Domaine publique

Mais Ursule, inspirée de Dieu, conseilla à son père d'accéder à la demande du prince à condition toutefois que le roi son père, de concert avec son futur époux, lui donnerait dix vierges très distinguées pour la consoler; qu'on lui confierait à elle et aux autres, mille vierges ; qu'on équiperait des vaisseaux ; qu'on lui accorderait un délai de trois ans pour faire le sacrifice de sa virginité, et que le jeune homme lui-même se ferait baptiser et instruire dans la foi, dans le même espace de trois ans. C'était prendre un sage parti en effet, ou bien détourner le jeune homme de son dessein car les conditions qu'elle mettait devaient sembler difficiles à accepter, ou bien pour avoir le moyen de pouvoir consacrer à Dieu toutes ces vierges avec elle.


Statue dans l'église Sainte-Ursule, Cologne, Allemagne Author: Photographed by Hans Peter Schaefer URL: http://www.reserv-a-rt.de

Mais le jeune homme souscrivit de bon cœur à ces conditions, insista lui-même auprès de son père; et s'étant fait baptiser, il commanda de hâter l’exécution de tout ce que la jeune vierge avait exigé. Le père d'Ursule régla que cette fille chérie eût aussi pour cortège des hommes qui la protégeraient elle-même et ses compagnes. De toutes parts donc les vierges s'empressent, de toutes parts les hommes accourent à un si grand spectacle. Grand nombre d'évêques se joignent à Ursule et à ses compagnes qu'ils veulent suivre; parmi eux se trouvait Pantulus, évêque de Bâle, qui les conduisit jusqu'à Rome, et qui, à son retour, reçut avec elles le martyre.
Sur l’avis officiel que lui en avait donné par lettres le père de sainte Ursule, sainte Gérasime, reine de Sicile (dont le mari, fort cruel, était devenu, grâce à elle, un agneau pour ainsi dire, de loup qu'il était), sœur de l’évêque Marcirisus et de Daria, mère de sainte Ursule, suivit l’inspiration divine, laissa le royaume à un de ses fils et mit à la voile pour la Bretagne avec ses quatre filles, Babille, Julienne, Victoire et Aurée. Hadrien, un de ses enfants encore tout petit, se mit aussi de lui-même, en pèlerinage, par amour pour ses sœurs. De l’avis de sainte Gérasime se rassemblèrent des vierges de différents royaumes : elle fut constamment leur conductrice et souffrit enfin le martyre avec elles. D'après ce dont il avait été convenu, la reine s'étant procuré des trirèmes bien approvisionnées, dévoile aux vierges qui devaient l’accompagner le secret de son dessein, et toutes jurent d'être fidèles à ce nouveau genre de milice. Bientôt, en effet, elles préludent aux exercices de la guerre ; tantôt elles courent ici, tantôt là. Quelquefois elles font semblant de fuir; tout ce qui se peut présenter à leur esprit pour s'exercer à tous les genres de jeux, elles l’exécutent; quelquefois elles revenaient à midi, quelquefois à peine au soir.

 Master of the (Bruges) legend of St. Ursula (1436-1504/1505) c. 1485 47 × 30 cm The reproduction is part of a collection of reproductions compiled by The Yorck Project. The compilation copyright is held by Zenodot Verlagsgesellschaft mbH and licensed under the GNU Free Documentation License.

Il y avait affluence de princes, de seigneurs pour jouir d'un pareil spectacle et tous en étaient comblés d'admiration et de joie. Enfin, quand Ursule eut converti toutes les vierges à la foi, après un jour de traversée et sous un vent favorable, elles abordèrent à un port de la Gaule nommé Tyelle, et de là à Cologne, où un ange apparut à Ursule et lui prédit qu'elles reviendraient toutes ensemble en ce lieu où elles recevraient la couronne du martyre. Sur l’avis de l’ange, et se dirigeant vers Rome, elles abordèrent à Bâle, où, ayant quitté leurs navires, elles vinrent à pied à Rome.

A leur arrivée, le pape Cyriaque fut tout joyeux ; il était originaire lui-même de la Bretagne, et comptait parmi elles beaucoup de parentes. Il les reçut avec tout son clergé en grande pompe. Cette nuit-là même, le pape eut du ciel révélation qu'il devait recevoir la couronne du martyre avec les vierges. Il ne parla de cela à qui que ce fut, et conféra le baptême à beaucoup de ces jeunes personnes qui n'avaient point encore reçu ce sacrement. Voyant une circonstance si favorable, après avoir gouverné l’église, le 19° après saint Pierre*, pendant un an et onze semaines, il découvrit son projet au public, et devant tout le monde, il résigna sa dignité et son office. Les réclamations furent unanimes surtout de la part des cardinaux qui pensaient que le pape était dans le délire pour vouloir quitter les honneurs du pontificat afin de suivre quelques petites femmes folles; il ne tint cependant aucun compte de leurs observations; mais il ordonna pontife à sa place un saint homme qui fut nommé Amétus. Et pour avoir quitté le siège apostolique malgré le clergé, celui-ci effaça son nom du catalogue des pontifes, et cette sainte compagnie de vierges perdit dès ce moment tous les égards qu'on avait eus pour elles à la cour de Rome.
* Ce fut saint Antère qui régna un an et le 19e après saint Pierre, 235-236.


Master of the (Bruges) legend of St. Ursula (1436-1504/1505) c. 1485 47 × 30 cm The reproduction is part of a collection of reproductions compiled by The Yorck Project. The compilation copyright is held by Zenodot Verlagsgesellschaft mbH and licensed under the GNU Free Documentation License.

 Il v avait alors à la tête des armées romaines deux mauvais princes, Maxime et Africanus, qui, en voyant cette multitude de vierges accompagnées de beaucoup d'hommes et de femmes, craignirent que, par elles, la religion des chrétiens ne prit trop d'accroissements. Ils eurent donc soin de s'informer exactement du chemin. qu'elles devaient prendre, et envoyèrent des députés à Jules, leur parent, et prince de la nation des Huns, afin que, marchant contre elles avec une armée, il les massacrât à leur arrivée à Cologne, parce qu'elles étaient chrétiennes.

Alors le bienheureux Cyriaque sortit de Rome avec cette illustre multitude de vierges. Il fut suivi par Vincent, cardinal-prêtre et par Jacques qui, de la Bretagne, sa patrie, venu à Antioche, y avait exercé la dignité archiépiscopale pendant sept ans. Il était à cette époque en visite auprès du pape, et déjà il avait quitté la ville, lorsqu'il entendit parler de l’arrivée des vierges ; il se hâta de revenir et il fut le compagnon de leur route et de leur martyre. Maurice, évêque de Lévicane, oncle de Babile et de Julienne, Foillau, évêque de Lucques, et Sulpice, évêque de Ravenne, alors à Rome, se joignirent encore à ces vierges. Ethéré, époux de sainte Ursule, qui était resté en Bretagne, avait été averti du Seigneur, par l’entremise d'un ange, d'exhorter sa mère à se faire chrétienne. Car son père était mort un an après avoir été converti à la foi, et Ethéré lui avait succédé dans le gouvernement du royaume.

Quand les vierges sacrées revinrent de Rome avec les évêques, dont il a été parlé, Ethéré reçut du Seigneur l’avertissement d'aller de suite à la rencontre de sa fiancée, afin de recevoir avec elle, dans Cologne, la palme du martyre. Il acquiesça aux avertissements de Dieu, fit baptiser sa mère et avec elle, une toute petite sœur nommée Florentine déjà chrétienne; accompagné de l’évêque Clément, il alla au-devant des vierges pour s'associer à leur martyre. Marculus, évêque de Grèce et sa nièce Constance, fille de Dorothée; roi de Constantinople, qui avait fait vœu de virginité après la mort de son fiancé, un fils de roi, prévenus par une vision, vinrent à Rome et se joignirent aussi à ces vierges pour avoir part à leur martyre.

Le martyre de Sainte Ursule, tempera, art allemand du XVIe siècle Attribution: Spiridon Manoliu

Toutes donc, et ces évêques revinrent à Cologne alors assiégée par les Huns. Quand ces barbares les virent, ils se jetèrent sur elles en poussant des cris affreux et comme des loups qui se jettent sur des brebis, ils massacrèrent toute la multitude. Quand, après le massacre des autres, on arriva au tour de sainte Ursule, le chef, voyant sa merveilleuse beauté, resta stupéfait, et en la consolant de la mort de ses compagnes, il lui promit de s'unir à elle par le mariage. Mais comme elle rejeta sa proposition bien loin, cet homme, se voyant méprisé, prit une flèche et en perça Ursule qui consomma ainsi son martyre.

— Une des vierges, nommée Cordula, saisie de frayeur, se cacha, cette nuit-là, dans le vaisseau ; mais le lendemain, elle s'offrit de plein gré à la mort et reçut la couronne du martyre. Or, comme ou ne faisait pas sa fête parce qu'elle n'avait pas souffert avec les autres, elle apparut longtemps après à une recluse, en lui ordonnant de célébrer sa fête le lendemain de celle des vierges.

Elles souffrirent l’an du Seigneur 238. La supputation des époques, d'après l’opinion de quelques-uns, ne permet pas de penser que ces choses se soient passées alors. La Sicile, ni Constantinople n'étaient pas des royaumes, et cependant on dit ici que les reines de ces pays accompagnèrent ces vierges: Il vaut mieux croire que ce fut après Constantin, au moment où les Huns et les Goths exerçaient leurs ravages, que ce martyre eut lieu, c'est-à-dire, du temps de l’empereur Martien (selon qu'on le lit dans une chronique) qui régna l’an du Seigneur 352.

 Sainte Ursule de Cologne Sandro Gozzoli approx. entre 1455 et 1460 28 cm x 44 cm Tempera sur bois National Gallery of Art Washington Insecula.com

— Un abbé avait demandé. à l’abbesse de Cologne le corps d'une vierge, avec promesse de le placer en son église dans une châsse d'argent; mais l’ayant laissé, une année entière, sur un autel, dans une châsse de bois, une nuit, que l’abbé de ce monastère chantait matines avec sa communauté, cette vierge descendit corporellement de dessus l’autel et après avoir fait une profonde révérence devant l’autel, elle passa, en présence de tous les moines effrayés, à travers le chœur et se retira. L'abbé courut alors à la châsse qu'il trouva vide. Il vint en toute hâte à Cologne et exposa la chose en détail à l’abbesse. Ils allèrent à l’endroit où ils avaient pris le corps et l’y trouvèrent. L'abbé, après avoir fait ses excuses, demanda le même corps ou au moins un autre, avec les promesses les plus certaines de faire confectionner au plus tôt fine châsse précieuse ; mais il ne put l’obtenir.

'Altarpiece of Saint Ursula and the Eleven Thousand Virgins Juan Reixach vers 1468 Tempera, canvas, gold leaf on wood 73 × 286 × 18 cm Musée national d'art de Catalogne Barcelone Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

— Un religieux, qui avait une grande dévotion pour, ces saintes vierges, vit, un jour qu'il était gravement malade, une vierge d'une grande beauté, lui apparaître et lui demander s'il la connaissait. Comme il était surpris de cette vision, et avouait qu'il ne la connaissait aucunement, elle lui dit : « Je suis une des vierges, à l’égard desquelles vous avez une touchante dévotion ; et afin de vous en récompenser, si par amour et par honneur pour nous, vous récitez onze mille fois l’oraison dominicale, vous éprouverez, à l’heure de votre mort, les effets de notre protection et de notre consolation. » Alors elle disparut, et le religieux accomplit ce qu'on lui avait demandé le plus tôt qu'il put; et aussitôt après il fit appeler l’abbé pour recevoir l’extrême-onction. Au milieu de la cérémonie, ce religieux s'adressa tout à coup aux assistants en leur criant de se retirer, pour faire place aux vierges saintes qui arrivaient. L'abbé lui ayant demandé ce que cela signifiait, le religieux lui raconta la promesse qu'il avait faite à la vierge, alors tous se retirèrent, et revenant un moment après, ils trouvèrent que le religieux avait rendu son âme a Dieu.

La Légende Dorée

vendredi 30 novembre 2012

Saint André, apôtre

L'Apôtre André An icon of St. Andrew the Apostle by the Bulgarian iconographer Yoan from Gabrovo. 19th century. Exhibited at Hadzhi Nikoli Inn museum, Veliko Tarnovo, Bulgaria. Attribution: © Plamen Agov • studiolemontree.com

André veut dire beau, ou caution, ou viril, d'ander, homme; ou bien encore anthrôpos, homme, d'ana, au-dessus, et tropos tourné, ce qui est la même chose que converti, comme s'il eût été converti aux choses du ciel et élevé vers son créateur. Aussi, est-il beau dans sa vie, caution d'une doctrine pleine de sagesse, homme fort dans son supplice, et élevé en gloire. Son martyre fut écrit par les prêtres et les diacres d'Achaïe ou d'Asie qui en ont été les témoins oculaires.


'Heiliger Andreas als Apostel mit Andreaskreuz' Meister von Meßkirch (1500–1543) vers 1535/40 huile sur toile Staatsgalerie (Stuttgart) Allemagne Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

André et quelques autres disciples furent appelés à trois reprises différentes par le Seigneur. La première fois qu'il les appela à le connaître, ce fut un jour qu'André avec un autre disciple ouït dire par Jean, son maître : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde. »
Et tout aussitôt, avec cet autre disciple, il vint et vit où demeurait Jésus, et ils passèrent ce jour auprès de lui. Et André ayant rencontré Simon, son frère, il l’amena à Jésus. Le lendemain ils retournèrent à leur métier de pêcheurs. Plus tard il les appela pour la seconde fois à vivre avec lui. Ce fut le jour où la foule se pressait sur les pas de Jésus auprès du lac de Génésareth aussi appelé mer de Galilée ; le Sauveur entra dans la barque de Simon et d'André, et après une pêche extraordinaire, il appela Jacques et Jean qui étaient dans une autre barque. Ils le suivirent et revinrent ensuite chez eux. Jésus les appela la troisième et dernière fois pour être ses disciples, lorsque se promenant sur le bord de cette même mer où ils se livraient à la pêche : « Venez, leur dit-il, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. »
Ils quittèrent tout à l’instant pour le suivre toujours et ne plus retourner en leur maison. Toutefois il appela André et d'autres de ses disciples à l’apostolat, selon que le rapporte saint Marc (III): « Il appela à lui ceux qu'il voulut lui-même et ils vinrent à lui au nombre de douze. »

 The Crucifixion of St. Andrew Master of the Murano Gradual 1440-50 Tempera and gold leaf on parchment (29.3 x 24.6 cm) Saint Louis, Missouri, United States Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

Après l’ascension du Seigneur, et la séparation des Apôtres, André prêcha en Scythie et Mathieu en Myrmidonie . Les habitants de ce dernier pays refusèrent d'écouter Mathieu, lui arrachèrent les yeux, le mirent dans les fers avec l’intention de le tuer quelques jours après. Sur ces entrefaites, l’ange du Seigneur apparut à saint André et lui ordonna d'aller en Myrmidoaie trouver saint Mathieu. Sur sa réponse qu'il n'en connaissait pas la route, il lui fut ordonné d'aller au bord de la mer et de monter sur le premier navire qu'il trouverait. Il exécuta tout de suite les ordres qu'il recevait, et sous la conduite d'un ange, il vint, à l’aide d'un vent favorable, à la ville qui lui avait été désignée, trouva ouverte la prison de saint Mathieu et se mit à pleurer beaucoup et à prier en le voyant. Alors le Seigneur rendit à Mathieu le bon usage de ses deux yeux dont l’avait privé la malice des pécheurs. Mathieu s'en alla ensuite et vint à Antioche. André resta dans la ville dont les habitants, irrités de l’évasion de Mathieu, saisirent André et le traînèrent sur les places après lui avoir lié les mains. Et comme son sang coulait, il pria pour eux, et par sa prière les convertit à J.-C., de là il partit pour l’Achaïe *.
Ce qu'on rapporte ici de la délivrance de Mathieu et de la guérison de ses deux yeux, je ne le crois pas digne de foi; car ce serait peu d'honneur porter à un si grand évangéliste de croire qu'il n'a pu obtenir pour soi-même ce que André obtint si facilement.
Un jeune noble s'étant attaché à l’apôtre malgré ses parents, ceux-ci mirent le feu à une maison où leur fils demeurait avec André. Comme la flamme s'élevait déjà fort haut, ce jeune homme prit un vase, en répandit l’eau sur le feu qui s'éteignit aussitôt. « Notre fils, dirent alors ses parents, est déjà un grand magicien. » Et pendant qu'ils voulaient monter au moyen des échelles, Dieu les aveugla au point qu'ils ne les voyaient même pas. Alors quelqu'un s'écria : « A quoi vous sert de vous consumer en vains efforts ? Dieu combat pour eux et vous ne le voyez point ! Cessez donc, de crainte que la colère de Dieu ne descende sur vous. » Or beaucoup de témoins de ce fait crurent au Seigneur; quant aux parents; ils moururent et furent enterrés cinquante jours après.
Une femme mariée à un assassin ne pouvait accoucher : « Allez, dit-elle à sa sœur, invoquer pour moi Diane notre déesse. » Le diable dit à celle qui l’invoquait: « Pourquoi t'adresser à moi qui ne saurais te secourir? Va plutôt trouver l’apôtre André qui pourra aider ta sœur ** » Elle y alla, et mena l’apôtre chez sa sœur en danger de périr. Il lui dit: « Il est juste que tu souffres, car tu es mal mariée ; tu as conçu dans le mal, et tu as consulté les démons. Cependant repens-toi, crois en J.-C. et accouche. » Elle crut, et accoucha d'un avorton; puis sa douleur cessa.
* L'Ethiopie. Nicéphore appelle la ville Myrmenen, lib. I, c. XLI, il ajoute que c'était le pays des anthropophages.
* S. Jérôme; Épître 148 à Marcelle; — Grégoire de Tours De Gloria Martyr., lib. I, c. XXXI; — S. Paulin, Gaudence de Bresce, Pierre Chrysologue, etc.
La lettre des prêtres d'Achaïe, sur le martyre de saint André, est une pièce du 1er au IIe siècle, qui a été démontrée authentique par le protestant Woog. Voyez sur cette épître la préface de Galland Veter Patr. Biblioth., I, prol., p. 38.
* Abdias, Saint André, c. XII.
** Idem, Ibid., c. XXX.

Le martyre de Saint-André Pierre Paul Rubens (1577–1640) 1638 huile sur toile exposée à Madrid (Espagne) à Hospital de San Andrés de los Flamencos Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

Un vieillard nommé Nicolas alla trouver l’apôtre et lui dit*: « Seigneur, depuis soixante-dix ans je vis esclave de passions infâmes. J'ai cependant reçu l’évangile, et ai prié pour que Dieu m’accordât la continence. Mais accoutumé à ce péché, et séduit par la concupiscence, je suis retourné à mes désordres habituels. Un jour que brûlant de mauvais, désirs, j'avais oublié que je portais l’évangile sur moi, j'entrai dans une maison de débauche : et la courtisane me dit aussitôt : « Sors, vieillard, sors, car tu es un ange de Dieu. Ne me touche pas et ne t'avise pas d'approcher; car je vois sur toi des prodiges. » Effrayé des paroles de cette femme, je me suis rappelé que j'avais apporté sur moi l’Évangile. Maintenant donc, saint de Dieu, obtenez mon salut par vos saintes prières. » En l’entendant, le bienheureux André se mit à pleurer, et depuis tierce jusqu'à none. il pria. Se levant de sa prière, il ne voulut point manger, mais il dit :
« Je ne mangerai point avant de savoir si le Seigneur aura pitié de ce vieillard. » Après cinq jours de jeûne, une voix se fit entendre à André et dit: « André, tu obtiens ce que tu sollicites pour ce vieillard, mais de même que tu t'es macéré par le jeûne aussi faut-il que pour être sauvé, lui aussi s'affaiblisse par les jeûnes. » C'est ce que fit le vieillard en jeûnant pendant six mois au pain et à l’eau; après quoi, plein de bonnes œuvres, il reposa en paix. Et une voix dit à André : « Par ta, prière, j'ai recouvré Nicolas que j'avais perdu. »
* Abdias, Saint André, c. XXXIII.
Un jeune chrétien confia ce qui suit sous le plus grand secret à saint André*. « Ma mère, éblouie de ma beauté, me tenta pour une œuvre illicite : comme je n'y consentais pas, elle alla trouver le juge, dans l’intention de faire peser sur moi l’énormité d'un tel crime: mais priez pour moi de peur que je ne meure injustement; car lors de l’accusation, je préférerai me taire et perdre la vie plutôt que déshonorer ainsi ma mère. » Le jeune homme est donc mandé cri justice : André l’y suit. La mère accuse positivement son fils d'avoir voulu la violer. Interrogé plusieurs fois si la chose s'était ainsi passée, le jeune homme ne répondit mot. André dit alors à cette mère. « O la plus cruelle des femmes, de vouloir la perte de ton fils unique pour satisfaire ta débauche ! » La mère dit donc au juge : « Seigneur, voilà l’homme auquel s'est attaché mon fils après qu'il eût tenté de consommer son crime, sans pouvoir le commettre. » Alors le juge irrité condamna le jeune homme à être mis en un sac enduit de poix et de bitume puis ensuite jeté dans la rivière ; et il ordonna de garder en prison André, jusqu'à ce qu'il eût trouvé un supplice pour le faire périr. Mais à la prière d'André, un tonnerre horrible épouvanta les assistants, et un tremblement de terre les renversa tous, en même temps que la femme, frappée de la foudre, était desséchée. Tous conjurèrent alors l’apôtre de ne pas les perdre. Il pria pour eux et le calme se fit. Le juge crut ainsi que toute sa maison.
* Adias, Saint André, c. VI.


Capilla de San Andrés, Segovia Cathedral Attribution: Zarateman

Comme l’apôtre était à Nicée, les habitants lui dirent que sur le chemin qui menait à la ville, se trouvaient sept démons qui tuaient les passants*. L'apôtre les fit venir sous la forme de chiens devant le peuple et leur commanda d'aller où ils ne pourraient nuire à personne. Aussitôt ils disparurent. A cette vue, ces hommes reçurent la foi de J.-C. En arrivant à la porte d'une autre ville, l’apôtre rencontra le convoi d'un jeune homme qu'on portait en terre : et comme il s'informait de l’accident, il lui fut dit que sept chiens étaient venus et l’avaient fait mourir dans son lit. André se mit à pleurer et dit: « Je sais bien, Seigneur, que c'est le fait des démons que j'ai chassés de Nicée. » Et s'adressant au père : « Que me donneras-tu, lui demanda-t-il, si je ressuscite ton fils?» « C'est tout ce que je possédais de plus cher au monde, répondit le père, je te le donnerai.» L'apôtre fit une prière et ressuscita l’enfant qui s'attacha à lui.

Un jour quarante hommes vinrent par mer trouver l’apôtre afin de recevoir de lui la doctrine de la foi, mais le diable excita une tempête, qui les engloutit tous. Leurs corps ayant été rejetés sur le rivage, furent portés à l’apôtre et tout aussitôt ressuscités. Ils racontèrent tout ce qui leur était arrivé.
De là vient qu'on lit dans une des hymnes de son office : « Il rendit à la vie quarante personnes que les flots avaient englouties. » Maître Jean Beleth dit en traitant de la fête de saint André, qu'il avait le teint brun, la barbe épaisse et une petite taille.
* Abdias, Saint André, c. VII.
* Rationale, c. CLXIV,

This is a part of a scan of an historical document: Title: Schedelsche Weltchronik or Nuremberg Chronicle 1493 Hartmann Schedel Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

Or saint André resta en Achaïe, y fonda de nombreuses églises et convertit beaucoup de monde à la foi du Christ. Il instruisit même la femme du proconsul Égée et la régénéra dans les eaux sacrées du baptême. A cette nouvelle, Égée vient à Patras pour contraindre les chrétiens à sacrifier aux idoles. André alla à sa rencontre et lui dit : « Il fallait que toi qui as l’honneur d'être ici-bas le juge des hommes, tu connusses et ensuite tu honorasses ton juge qui est dans le ciel, après avoir renoncé en ton cœur aux faux dieux.*. » Égée lui répliqua : « C'est toi qui es André : tu enseignes les dogmes de cette secte superstitieuse que les empereurs romains viennent de prescrire d'exterminer. » « Les empereurs romains, dit André, n'ont pas encore appris que le Fils de Dieu, en venant sur la terre, a enseigné que les idoles sont des démons qui apprennent à offenser Dieu; en sorte qu'offensé par les hommes il détourne d'eux son visage, qu'irrité contre eux, il ne les exauce point, et qu'en ne les exauçant pas, ils sont les esclaves et le jouet du diable, jusqu'à ce que dépouillés de tout en sortant de leur corps, ils n'emportent avec eux rien autre que leurs péchés. » Égée : « Votre Jésus qui prêchait ces sottises a été attaché au gibet de la croix. André répartit : « C'est pour nous racheter et non pour des crimes qu'il a bien voulu souffrir le supplice de la croix. » Égée : « Il a été livré par son disciple, pris par les Juifs et crucifié par les soldats ; comment donc peux-tu dire qu'il a souffert de plein gré le supplice de la croix! » Alors André démontra par cinq raisons que Jésus-Christ avait souffert parce qu'il l’avait voulu.
1° Il a prévu et prédit sa passion à ses disciples, lorsqu'il dit : « Voici que nous allons à Jérusalem, etc... »
2° Quand saint Pierre voulut l’en détourner il s'indigna fortement et lui dit : « Va-t-en derrière moi; Satan, etc... »
3° Il a clairement annoncé qu'il avait le pouvoir et de souffrir et de ressusciter tout à la fois, lorsqu'il dit : « J'ai la puissance de quitter la vie et de la reprendre. »
4° Il a connu d'avance celui qui le trahissait, lorsqu'il lui donna du pain trempé, et cependant il ne se garda pas de lui.
5- Il choisit l’endroit où il savait que devait venir le traître.
Lui-même assura avoir été témoin de chacun de ces faits ; il ajouta que c'était un grand mystère que celui de la croix. Égée répondit : « On ne saurait appeler mystère ce qui fut un supplice ; cependant si tu n'obtempères pas à mes ordres, je te ferai passer par l’épreuve du même mystère. » André : « Si j'étais épouvanté du supplice de la croix, je n'en proclamerais point la gloire. Or je veux t'apprendre ce mystère de la croix, peut-être qu'en le connaissant tu y croiras; tu l’adoreras et tu seras sauvé. » Alors il commença à lui dévoiler le mystère de la Rédemption et lui en prouva par cinq arguments la convenance et la nécessité.
Le premier argument est que le premier homme ayant donné naissance à la mort par le bois, il était convenable que le second homme détruisît la mort en souffrant sur le bois. Le second, que le prévaricateur ayant été formé d'une terre immaculée, il était juste que le réconciliateur naquit d'une vierge immaculée. Le troisième, que Adam ayant étendu la main avec intempérance vers le fruit défendu, il seyait que le second Adam étendît sur la croix ses mains immaculées. Le quatrième, que Adam ayant goûté de l’arbre défendu un fruit agréable, il était convenable que le Christ, lorsqu'il fut abreuvé de fiel, détruisît le contraire par son contraire. Le cinquième est que, pour nous conférer son immortalité, il importait que le Christ prît avec lui notre mortalité : car si Dieu ne s'était fait mortel, l’homme ne fût pas devenu immortel.

Les apôtres André et Jacques, ainsi que Paul sur la châsse de saint Calmin et de sainte Namadie - abbaye de Mozac (63) XIIe siècle Attribution: Photo de l'association Club historique mozacois

Alors Égée dit : « Va conter aux tiens ces rêveries, et obéis-moi en sacrifiant aux dieux tout-puissants. » « Chaque jour, répondit André, j'offre au Dieu tout-puissant l’agneau sans tache, et quand il a été mangé par tout le peuple, cet agneau reste vivant et entier. » Égée demandant comment cela pouvait-il se faire, André lui répondit de se mettre au nombre des disciples. Égée répliqua: « Avec des tourments, je saurai bien te faire expliquer la chose. »
Et tout en colère, il le fit enfermer dans une prison. Le matin étant venu, il s'assit sur son tribunal et de nouveau il l’exhorta à sacrifier aux idoles. « Si tu ne m’obéis, lui dit-il, je te ferai suspendre à cette croix que tu as glorifiée. » Et comme il le menaçait de nombreux tourments, André répondit : « Invente tout ce qui te paraîtra de plus cruel en fait de supplice. Plus je serai constant à souffrir dans les tourments pour le nom de mon roi, plus je lui serai agréable.
Alors Égée le fit fouetter par vingt hommes, et le fit lier ensuite à une croix par les mains et par les pieds afin qu'il souffrît plus longtemps. Et comme il était conduit à la croix, il se fit un grand concours de peuple qui disait : « Il est innocent et condamné sans, preuves à verser son sang. » Cependant, l’apôtre pria cette foule de- ne point s'opposer à son martyre. Et quand André aperçut la croix de loin, il la salua en disant :

Saint André crucifié sur une croix en X devant une foule. Deux autres scènes sont représentées sous le texte : Saint André est conduit chez le proconsul en bas à gauche, et il est bastonné en bas à droite. Les Très Riches Heures du duc de Berry :Jean Colombe entre 1485 et 1486 tempera sur vélin hauteur : 29 cm. largeur : 21 cm. Musée Condé Château de Chantilly dans l'Oise Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré.

« Salut, ô croix consacrée par le sang de J.-C., et décorée par chacun de ses membres comme avec des pierres précieuses. Avant que le seigneur eût été élevé sur toi tu étais un sujet d'effroi pour la terre; maintenant en procurant l’amour du ciel, tu es l’objet de tous les désirs. Plein de sincérité et de joie, je viens à toi afin de te procurer la joie de recevoir en moi un disciple de celui qui a été pendu sur toi. En effet toujours je t'ai aimée et ai désiré t'embrasser. O bonne croix qui as reçu gloire et beauté des membres du Seigneur. Toi que j'ai longtemps désirée, que j'ai aimée avec sollicitude, que j'ai recherchée sans relâche et qui enfin est préparée à mon âme désireuse, reçois-moi du milieu des hommes, et me rends à mon maître afin qu'il me reçoive par toi, lui qui par toi m’a racheté. »
En disant ces mots, il se dépouilla de ses vêtements qu'il donna aux bourreaux. Alors ceux ci le suspendirent à la croix, comme il leur avait été prescrit. Pendant deux jours qu'il y vécût, il prêcha à vingt mille hommes qui l’entouraient. Cette foule menaçait Égée de le faire mourir, en disant qu'un saint doux et pieux ne devait pas ainsi périr; Egée vint pour le délivrer. A sa vue André lui dit: « Pourquoi viens-tu vers nous? Si c'est pour demander pardon, tu l’obtiendras; mais si c'est pour me détacher, sache que je ne descendrai pas vivant de la croix. Déjà en effet je vois mon roi qui m’attend. » Et comme on voulait le délier, on ne put y parvenir, parce que les bras de ceux qui essayaient de le faire devenaient paralysés.
Pour André, comme il voyait que le peuple le voulait délivrer, il fit cette prière sur la croix, comme la rapporte saint Augustin en son livre de la Pénitence. « Ne permettez pas, Seigneur, que je descende vivant, il est temps que vous confiiez mon corps à la terre, car tant que je l’ai porté, tant j'ai veillé à sa garde ; j'ai travaillé à vouloir être délivré de ce soin, et à être dépouillé de ce très épais vêtement. Je sais combien je l’ai trouvé lourd à porter, redoutable à vaincre, paresseux à enflammer et prompt à faiblir. Vous savez, Seigneur, combien il était porté à m’arracher aux pures contemplations ; combien il s'efforçait de me tirer du sommeil de votre charmant repos. Toutes et quantes fois il me fit souffrir de douleur. Chaque fois que je l’ai pu, Père débonnaire, j'ai résisté en combattant et j'ai vaincu avec votre aide. C'est à vous, juste et pieux rémunérateur, que je demande de ne plus me confier à ce corps: mais je vous rends ce dépôt. Confiez-le à un autre, et ne m’opposez plus par lui d'obstacles. Qu'il soit conservé et rendu à la résurrection, afin que vous retiriez honneur de ses œuvres. Confiez-le à la terre afin de ne plus veiller, afin qu'il ne m’empêche pas de tendre avec ardeur et librement vers vous qui êtes la source d'une vie de joie intarissable. » (Saint Augustin, De vexa et falsa poenit., c. VIII).

Vitrail de l'abside de l'église Saint-Gervais de Rouen représentant André. Attribution: Giogo

Après ces paroles, une lumière éclatante venue du ciel l’entoura pendant une demi-heure, en sorte que personne ne pouvait fixer sur lui les yeux ; et cette lumière disparaissant, il rendit en même temps l’esprit. Maximilla, l’épouse d'Egée, prit le corps du saint apôtre et l’ensevelit avec honneur *. Quant à Egée, avant d'être rentré dans sa maison, il fut saisi par le démon et à la vue de tous il expira sur le chemin. On dit que du tombeau de saint André découle une manne semblable à de la farine et une huile odoriférante. Les habitants du pays en tirent un présage pour la récolte : car si ce qui coule est en petite quantité, la récolte sera peu considérable, s'il en coule beaucoup, elle sera abondante. Peut-être qu'il en a été ainsi autrefois, mais aujourd'hui on prétend que son corps a été transporté à Constantinople.
* Abdias, Saint André, c. XXVI..
Un évêque, qui menait une vie sainte, avait une vénération particulière pour saint André, en sorte qu'à chacun de ses ouvrages, il mettait en tête : « A l’honneur de Dieu et de saint André. » Or jaloux de la sainteté de ce personnage, l’antique ennemi, pour le séduire, après avoir employé toutes sortes de ruses, prit la forme d'une femme, merveilleusement belle. Elle vint au palais de l’évêque sous prétexte de vouloir se confesser à lui. Sur l’ordre de l’évêque de l’adresser à son pénitencier qui avait tous ses pouvoirs, elle répondit qu'elle ne révélera à nul autre qu'à lui les secrets de sa conscience. Le Prélat touché la fait entrer.
« Je vous en conjure, Seigneur; lui dit-elle, ayez pitié de moi : car jeune encore, ainsi que vous le voyez, élevée dans les délices dès mon enfance, issue même de race royale, je suis venue seule ici sous l’habit des pèlerins. Le roi mon père, prince très puissant, voulant me marier à un grand personnage; je lui ai répondu que j'avais en horreur le lien du mariage, puisque j'ai consacré ma virginité pour toujours à J.-C. et qu'en conséquence je ne pourrais jamais consentir à la perdre. Pressée d'obéir à ses ordres, ou de subir sur la terre, différents supplices, je pris secrètement la fuite, préférant m’exiler que de violer la foi jurée à mon époux. La renommée de votre sainteté étant parvenue à mes oreilles, je me suis réfugiée sous les ailes de votre protection, dans l’espoir de trouver auprès de vous un lieu de repos où je puisse jouir en secret des douceurs de la contemplation, me sauver des naufrages de la vie présente, enfuir le bruit et les agitations du monde. »

Plein d'admiration pour la noblesse de sa race, la beauté de sa personne, sa grande ferveur, et l’élégance remarquable de ses paroles, l’évêque lui répondit avec bonté et douceur
« Soyez tranquille, ma fille; ne craignez point, car celui pour l’amour duquel vous avez méprisé avec tant de courage et vous-même, et vos parents et vos biens, vous accordera, pour ce sacrifice, le comble de la grâce en cette vie et la plénitude de la gloire en l’autre. Aussi moi qui suis son serviteur, je m’offre à vous avec ce qui m’appartient: choisissez l’appartement qu'il vous plaira, et je veux qu'aujourd'hui vous mangiez avec moi. »
« Veuillez, ah! veuillez, dit-elle, mon Père, ne pas exiger cela de moi, de peur d'éveiller quelque mauvais soupçon et de porter quelque atteinte à l’éclat de votre réputation. »
« Nous serons plusieurs, lui répondit l’évêque, nous ne serons pas seuls, et ainsi il n'y aura pas lieu de fournir eu quoi que ce soit l’apparence à mauvais soupçon. »

Reliquary chest of Saint Servatius in the Treasury of the Basilica of Saint Servatius, Maastricht, Netherlands. Detail of the Saint Peter side of the chest, with Saint Peter (left) and Saint Andrew (right). Mosan (Maastricht?), gilded copper over wood.Attribution: Kleon3

Les convives se mirent à table, l’évêque se plaça en face de la dame et les autres de l’un et de l’autre côté. L'évêque eut beaucoup d'attention pour cette femme ; il ne cessa de la regarder et d'en admirer la beauté. Pendant qu'il a les yeux fixés ainsi, son âme est atteinte, et tandis qu'il ne cesse de la regarder, l’antique ennemi lance contre son cœur une flèche acérée. Le Diable, qui tenait compte de tout, se mit à augmenter de plus en plus sa beauté. Déjà l’évêque était sur le point de donner son consentement à la tentation de commettre avec cette personne une action criminelle dès que la possibilité s'en présenterait, quand tout à coup un pèlerin vient heurter à la porte avec violence, demandant à grands cris qu'on lui ouvre. Comme on s'y refusait et que le pèlerin devenait importun par ses clameurs et ses coups répétés, l’évêque demande à la femme si elle voulait recevoir ce pèlerin.
« Qu'on lui propose, dit-elle, quelque question difficile ; s'il sait la résoudre, qu'on l’introduise; s'il ne le peut, qu'on l’éloigne, comme un ignorant, et comme une personne indigne de paraître devant l’évêque. »
On applaudit à la proposition, et l’on se demande qui sera capable de poser la question. Et comme on ne trouvait personne :
«Quelle autre, madame, reprit l’évêque, peut mieux poser la question que vous qui l’emportez sur nous autres en éloquence et dont la sagesse brille au-dessus de la nôtre à tous? Proposez donc vous-même une question. »
« Qu'on lui demande, dit-elle, ce que Dieu a fait de plus merveilleux dans une petite chose. »
Le pèlerin auquel un messager porta la question répondit:
« C'est la variété et l’excellence du visage. Parmi tant d'hommes qui ont existé depuis le commencement du monde, et qui existeront dans l’avenir, on n'en saurait rencontrer deux dont les visages soient semblables en tout point, et cependant, dans une si petite figure, Dieu a placé tous les sens du corps. »
En entendant cette réponse on s'écria avec admiration :
« C'est vraiment une excellente solution à la demande. »
Alors la dame dit :
« Qu'on lui en propose une seconde plus difficile qui mette sa science à meilleure épreuve : « Qu'on lui demande où la terre est plus, haute que le ciel tout entier. »
Le pèlerin interrogé répondit:
« Dans le ciel empyrée, où réside le corps. de J.-C. Le corps du Christ en effet, qui est plus élevé que tout le ciel, est formé de notre chair; or notre chair est une portion de la substance de la terre: comme donc le corps du Christ est au dessus de tous les cieux, et qu'il tire son origine de notre chair, que notre chair est formée de la terre, il est donc constant que là où le corps de J.-C. réside, là certainement la terre est plus élevée que le ciel. »

St.Olai cathedral in Helsingør. Choir stalls ( 1652 ): Saint Andrew Attribution: Wolfgang Sauber

L'envoyé rapporte la réponse du pèlerin, et tous d'approuver cette solution merveilleuse et d'en louer hautement la sagesse. Alors la femme dit encore :
« Qu'on lui pose de nouveau une troisième question très grave, compliquée, difficile à résoudre, obscure, afin que, pour la troisième fois, il soit prouvé qu'il est digne à juste titre d'être admis à la table de l’évêque. Demandez-lui quelle distance il y a de la terre au ciel. »
Le pèlerin répondit à l’envoyé qui lui portait la question:
« Allez le demander à celui-là même qui a posé la demande. Il le sait certainement et il pourra répondre mieux que je ne le ferais ; car lui-même a mesuré cette distance, quand du ciel il est tombé dans l’abîme; pour moi je ne suis jamais tombé du ciel et n'ai jamais mesuré cet espace. Car ce n'est pas une femme, mais le diable qui s'est caché sous la ressemblance d'une femme. »
A ces paroles le messager fut pâmé, et répéta devant tous les convives ce qu'il avait entendu. Tandis que l’étonnement et la stupeur ont saisi les convives, le vieil ennemi a disparu. L'évêque, rentrant en lui-même, se reprochait amèrement sa conduite et demandait avec lamentations le pardon de la faute qu'il avait commise. Il envoya aussitôt pour qu'on introduisît le pèlerin, mais on ne lé trouva plus. L'évêque convoqua le peuple, lui exposa de point en point ce qui s'était passé, et commanda des jeûnes et des prières pour que le Seigneur daignât révéler quel était ce pèlerin qui l’avait sauvé de si grand péril. Et cette nuit-là même, il fut révélé à l’évêque que c'était saint André qui, pour le délivrer, avait pris l’extérieur d'un pèlerin. L'évêque redoubla de dévotion envers le saint apôtre et il ne cessa de donner des preuves de sa vénération pour lui.
* Bréviaire romain.
** Saint Grégoire de Tours, ubi supra.
* D'après saint Grégoire de Tours, De gloria nnartyrum, l. I, c. LXXIX, cet homme était Gomacharus, comte de la ville d'Agde, vers la fin du VIe siècle.


Bywell St. Andrew - stained glass window: St. Andrew See 1573180.From geograph.org.uk Attribution: Mike Quinn

Le prévôt d'une ville s'était emparé d'un champ de saint André, et par les prières de l’évêque, il en fut puni de très fortes fièvres. Il alla trouver le prélat, le conjurant d'intercéder en sa faveur et lui promit de restituer le champ. Mais après sa guérison obtenue par l’intercession du pontife, il reprit une seconde fois la terre. Alors l’évêque se mit en prières et brisa toutes les lampes de l’église, eu disant:
« Qu'on n'allume plus ces lumières, jusqu'à ce que le Seigneur se venge lui-même de son ennemi, et que l’église recouvre ce qu'elle a perdu. »
Et voilà que le prévôt eut encore de très fortes fièvres; il envoya alors demander à l’évêque de prier pour lui, l’assurant qu'il rendrait son champ, et en surplus un autre de la même valeur. Comme l’évêque lui faisait répondre toujours :
« J'ai déjà prié, et Dieu m’a exaucé, » le prévôt se fit porter chez le prélat et le força d'entrer dans l’église pour prier.
A l’instant où l’évêque entre dans l’église, le prévôt meurt subitement et le champ est restitué à l’église.