vendredi 23 décembre 2011

Christine de Pisan


Christine de Pizan (ou dans des textes plus anciens Christine de Pisan), née à Venise en 1364 et morte au monastère de Poissy vers 1430, est une philosophe et poétesse française de naissance italienne.

Christine de Pizan est considérée comme la première femme de lettres française ayant vécu de sa plume. Son érudition la distingue des écrivains de son époque, hommes ou femmes. Veuve et démunie, elle dut gagner sa vie en écrivant.

Elle composa des traités de politique et de philosophie, et des recueils de poésies. Auteur très prolifique, elle se retira dans un couvent à la fin de sa vie, où elle écrivit un Ditié de Jeanne d'Arc. On lui doit, entre autres, Cent ballades d'amant et de dame et la Cité des dames. Son travail majeur a été accompli entre 1400 et 1418.
Née à Venise vers 1364 et morte vers 1432, elle suit son père Thomas de Pizan (Tommaso di Benvenuto da Pizzano), médecin réputé et conférencier d’astrologie à l’université de Bologne, appelé à Paris par Charles V en 1368. Auparavant, son père, né à Bologne, avait été appelé à Venise, en Hongrie ; il s'était fait une grande réputation par ses prédictions (comme pour beaucoup de ses « confrères », la médecine lui servait surtout de « couverture » vis-à-vis de l'Église qui interdisait toute forme de voyance).



Christine reçoit à la cour l’éducation donnée aux jeunes filles de la noblesse et commence à composer des pièces lyriques qui lui valent l’admiration et même de nombreuses demandes en mariage – quoique de son propre aveu celles-ci soient également motivées par la position de son père auprès de Charles V. La personnalité du sage roi, d'ailleurs, marquera profondément la jeune Christine, qui le fréquente quotidiennement à la cour. En 1379, elle épouse Étienne de Castel, noble peu fortuné qui acquiert à l’occasion de cette union les charges de secrétaire et notaire du roi. Mais Charles meurt peu après en 1380 et Étienne se trouve sans charge ni revenu. Tommaso da Pizzano meurt entre 1385 et 1390 ainsi qu’Étienne, ruiné en 1390.

Christine de Pizan et son fils

Âgée alors de 26 ans, elle se retrouve avec trois enfants à charge, sans appui ni famille à la cour. Réduite à la pauvreté et devant essuyer plusieurs procès pour dettes, elle se résout à travailler pour nourrir ses enfants et choisit le métier d’homme de lettres (« de femelle devins masle »). Elle se réfugie alors dans l’étude et compose une série de pièces lyriques compilées dans Le Livre des cent ballades qui obtiennent un grand succès. Ces pièces dans le goût alors à la mode pleurent son défunt mari et traitent de son isolement, de sa condition de femme au milieu de la cour hostile. Elle obtient alors des commandes et la protection de puissants comme Jean de Berry et le duc Louis Ier d’Orléans. Elle prend alors de l’assurance et s’attelle à la rédaction d’écrits érudits philosophiques, politiques, moraux et même militaires. Elle s’engage alors parallèlement dans un combat en faveur des femmes et notamment de leur représentation dans la littérature. Elle s’oppose en particulier à Jean de Meung et à son Roman de la Rose, alors l’œuvre littéraire la plus connue, copiée, lue et commentée en Europe occidentale. Elle force par son obstination et son courage l’admiration de certains des plus grands philosophes de son temps tels Jean de Gerson et Eustache Deschamps qui lui apporteront leur appui dans ce combat.

Œuvre
Ses poèmes sont organisés dans des recueils selon une trame narrative, beaucoup de ceux-ci sont tirés directement de son expérience personnelle telle Seulette suy et seulette vueil estr.


Christine de Pisan — Les Cent ballades XXIV

Ma doulce amour, ma plaisance cherie,
Mon doulz ami, quanque je puis amer,
Vostre doulceur m'a de tous maulz garie,
Et vrayement je vous puis bien clamer
Fontaine dont tout bien vient,
Et qui en paix et joye me soustient,
Et dont plaisirs me vienent a largece ;
Car vous tout seul me tenez en leece.

Et la doulour qui en mon cuer norrie
S'est longuement, qui tant m'a fait d'amer,
Le bien de vous a de tous poins tarie ;
Or ne me puis complaindre ne blasmer
De Fortune qui devient
Bonne pour moy, se en ce point se tient.
Mis m'en avez en la voye et adrece;
Car vous tout seul me tenez en leece.

Si lo Amours qui, par sa seigneurie,
A tel plaisir m'a voulu reclamer ;
Car dire puis de vray sanz flaterie,
Qu'il n'a meilleur de la ne de ça mer
De vous, m'amour, ainsi le tient
Mon cuer pour vray, qui tout a vous se tient,
N'a aultre rien sa pensée ne drece;
Car vous tout seul me tenez en leece.


Elle a été impliquée dans la première querelle littéraire française que certains considèrent comme un manifeste, sous une forme primitive, du mouvement féministe. En effet, son Epistre au Dieu d'Amours (1399) et son Dit de la rose (1402), critique de la seconde partie du Roman de la Rose écrite par Jean de Meung, provoquèrent des remous considérables dans l'intelligentsia de l'époque. Ce type de propos était jugé assez scandaleux à l'époque :
« Et jurent fort et promettent et mentent
Estre loiaulx, secrez, et puis s'en vantent. »

Elle n'hésita pas aussi à s'exprimer sur la politique (Épître à la reine Isabeau) et sur le droit militaire (Livre des faits d'arme et de chevalerie).
Dénonçant l'abaissement et le délitement du royaume durant la guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons, elle rédigea, au début du XVe siècle à la demande du duc Philippe de Bourgogne, une œuvre magistrale et précieuse pour les historiens actuels, Le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V le sage, biographie riche en détails sur le règne de son mentor, Charles V de France.

La plupart de ses œuvres sont conservées dans des manuscrits autographes, ce qui est très rare pour cette époque.

Selon Jacques Roubaud, Christine de Pizan « a sans aucun doute atteint un des sommets de l'art de la ballade ; elle est d'une originalité formelle remarquable ».

Une œuvre oubliée et redécouverte
Christine jouit d'une grande popularité dans le milieu de la cour à son époque. En témoignent les manuscrits richement illustrés qui nous sont parvenus. Mais elle ne fait pas l'unanimité parmi les clercs et les universitaires, effarouchés de voir une femme rivaliser avec eux sur le terrain même du savoir et de la philosophie. Sa réfutation des propos misogynes de Jean de Meung lui vaut de vives attaques des amis du poète, attaques par lesquelles sera épargné Jean Gerson lorsque celui-ci à son tour critiquera le Roman de la Rose. Cependant on note déjà l'absence de son nom de certaines éditions imprimées publiées par l'éditeur parisien Antoine Vérard au début du XVIe siècle, même si elle fait encore l'admiration de Clément Marot, avant de tomber dans l'oubli comme la plupart des auteurs médiévaux. Une tentative de réhabilitation par Louise de Keralio reste sans lendemain. Au XIXe siècle, les historiens de la littérature seront très condescendants à son égard, et l'opinion dédaigneuse du critique Gustave Lanson mettra pour longtemps Christine au ban des études universitaires :

« Bonne fille, bonne épouse, bonne mère, au reste un des plus authentiques bas-bleus qu'il y ait eu dans notre littérature, la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs.»

Au début du XXe siècle, Marie Josèphe Pinet n'est guère plus élogieuse et il faut attendre la naissance d'un sentiment féministe et le désir de réhabiliter les femmes dans la littérature pour que l'œuvre de Christine prenne la place qu'elle occupe dans le milieu des études littéraires depuis les années 1980.

La question du féminisme de Pizan
Mathilde Laigle, elle-même une des premières femmes modernes à entrer en compétition avec ses contemporains masculins en obtenant des diplômes universitaires, s'intéresse à la poétesse médiévale et à la question du féminisme dans son œuvre. En réponse à la thèse de William Minto, Christine de Pisan, a medieval Champion of her Sex (Christine de Pizan, Champion de la cause des femmes au Moyen Âge), elle rédige un article sur le prétendu féminisme de Pizan. Pour elle, l'écrivain médiéval n'est en rien féministe au sens moderne du terme ; elle mène un combat pour la réputation des femmes, compromise par les écrivains misogynes qui les accablent de critiques imméritées, mais ne remet pas en question la structure patriarcale et l'éthique de la société dans laquelle elle évolue. Mieux, elle insiste sur des valeurs qui, pour les féministes modernes, contribuent à l'oppression de la femme, comme la chasteté et la patience. Selon Mathilde Laigle, le but de Pizan n'est pas de bouleverser l'ordre social : « Ce que Christine prêche, ce n'est pas le murmure, la rébellion contre les lois ou usages établis, c'est l'énergie personnelle, l'effort constant pour parer au mal : l'éviter, si possible, l'atténuer, si on ne peut l'anéantir, ou le subir avec courage, s'il est plus fort que la volonté humaine. ». Cependant la thèse de Mathilde Laigle ne fait pas vraiment autorité, et l'intérêt pour la question du féminisme de Christine occupe une place importante dans la critique à la fin du XXe siècle. La médiéviste Régine Pernoud, par exemple, voit en elle une féministe avant la lettre. Pizan en effet attribue l'inégalité intellectuelle entre hommes et femmes non à la nature, mais à l'éducation et aux représentations d'elles-mêmes fournies aux femmes par le discours misogyne dominant, ce qui s'inscrit tout à fait dans la problématique des gender studies des années soixante-dix. À l'heure actuelle, les historiens insistent plutôt sur la nécessité de remettre en perspective historique les écrits de Pizan. « Le féminisme de Christine, femme du XVe siècle, ne pouvait se déployer que dans ce contexte » .

Œuvres de Christine de Pizan
Poésies diverses : Cent ballades, Virelays, Balades d'estrange façon, Ballades de divers propos, Les complaintes amoureuses, Lays, Rondeaux, Jeux à vendre, composées entre 1399 et 1402
Epistre au Dieu d'amours, 1399
Le Débat de deux amans, c. 1400
Le Livre des trois jugemens, c. 1400
Le Livre du dit de Poissy, 1400
Epistre Othea, 1401
Epistres du Débat sur le Roman de la Rose, 1401
Le Dit de la rose, 1402
Oraison Nostre Dame, 1402-1403
Oraison de Nostre Seigneur, 1402-1403
Cent Ballades d'amant et de dame, 1402-14010
Les complaintes amoureuses, 1402-14010
Le Chemin de longue estude, 1403
Le Dit de la pastoure, 1403
Le Livre de la Mutacion de Fortune, 1403
Le Livre des Fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, 1404
Epistre à Eustache Morel, 1404
Le Duc des vrais amants, 1404-1405
La Cité des dames, 1404-1405
Le Livre des trois vertus à l'enseignement des dames, 1405
Epistre à Isabelle de Bavière, 1405
L'Advision Christine, 1404
Le Livre de la Prod'homie de l'homme ou Le Livre de Prudence, 1405-1406
Le Livre du Corps de Policie, 1406-1407
Les Sept Psaumes Allégorisés, 1409
Les Lamentations sur les maux de la France, 1410
Le Livre des Faits d'armes et de chevalerie, 1410
Le Livre de la Paix, 1414
Epistre de la Prison de Vie Humaine, 1416-1418
Les Heures de la contemplations de la Passion, 1420
Le Ditié de Jehanne d'Arc, 1429

Historiographie
Maurice Roy (historien de la Renaissance) (éd.), Œuvres poétiques de Christine de Pisan, Paris, Firmin-Didot, 1886-1896
Mathilde Laigle (éd.), Le livre des trois vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, Paris, Honoré Champion, 1912
Suzanne Solente (éd.), Le livre des Fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, Paris, H. Champion, 1936-1940 ;
Charity Cannon Willard (éd.), Le livre des trois vertus, édition critique, introduction et notes par Charity Cannon Willard, texte établi en collaboration avec Eric Hicks, Paris, Honoré Champion, 1989
Gabriella Parussa (éd.), Epistre Othea, coll. Textes littéraires français, 517, Genève, Librairie Droz, 1999, 541 p.
Thérèse Moreau (éd.), La Cité des Dames, texte traduit par Thérèse Moreau et Éric Hicks, Stock, collection Moyen Âge, 2005 (ISBN 2-234-01989-3)
Liliane Dulac (éd.), Desireuse de plus avant enquerre, actes du VIe colloque international sur Christine de Pizan, Paris, Honoré Champion, 2009 (ISBN 978-2-7453-1852-7)
Régine Pernoud, Christine de Pisan




Christine de Pisan — Les Cent ballades XXVI

Mon doulz ami, n'aiez malencolie
Se j'ay en moy si joyeuse maniere;
Et se je fais en tous lieux chiere lie
Et de parler a maint suis coustumiere,
Ne croiez pas pour ce, que plus legiere
Soye envers vous, car c'est pour decepvoir
Les mesdisans qui tout veulent savoir.

Car se je suis gaye, cointe et jolie,
C'est tout pour vous que j'aim d'amour entiere.
Si ne prenez nul soing qui contralie
Vostre bon cuer, car pour nulle priere
Je n'ameray autre qui m'en requiere;
Mais on doit moult doubter, a dire voir,
Les mesdisans qui tout veulent savoir.

Sachiez de voir qu'amours si fort me lie
En vostre amour que n'ay chose tant chiere.
Mais ce seroir a moy trop grant folie
De ne faire, fors a vous, bonne chiere.
Ce n'est pas drois, ne chose qui affiere
Devant les gens, pour faire apercevoir
Les mesdisans qui tout veulent savoir.

Wikipédia, villagegardenerrr et hamsterzilla1349 de Youtube

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