mardi 22 novembre 2011

Zhao Mengfu peintre

James Cahill, Ge jiang shan se - Hills Beyond A River: Chinese Painting of the Yuan Dynasty, 1279-1368, Taiwan edition (Taipei: Shitou gufen youxian gongsi, 199), pl. 1.16, p. 40. Collection of the Freer Gallery of Art.
Yuan Dynasty (1271–1368)

Zhao Mengfu, ou Chao Meng-fu, (Chinois : 趙孟頫 ; Pinyin : Zhào Mèngfǔ) (1254-1322) était un érudit chinois, peintre et calligraphe, durant la dynastie Yuan. C'est une figure majeure de l'art chinois.

Il appartenait à la famille impériale des Song. Aussi, il laissa passer une dizaine d'années après le drame de la fin des Song du Sud, puis accepta de travailler pour les Mongols. Il est possible, vu son rang, qu'il se considérait comme un médiateur essayant de convertir l'empereur mongol à la culture chinoise. Dans les premiers temps de la dynastie Yuan Zhao Mengfu était un lettré connu qui occupait de hautes fonctions dans l'administration, en particulier à l'Académie Hanlin reconstituée. A la mort de Khubilai (1294) il prit sa retraite. Mais un certain nombre de ses amis le considérèrent dès lors pour un "collaborateur" et leur condamnation sera souvent reprise par la postérité. Il fut l'un des peintres et calligraphes les plus éminents du début des Yuan, et son style exerça une profonde influence sur la génération suivante de paysagistes (James Cahill), jusqu'à ce retournement qui affecta son "héritage" après la prise du pouvoir par la dynastie des Mandchous en 1644. À partir de ce moment là il fut déconsidéré par certains.

Bien qu'il ait pratiqué avec succès la peinture de fleurs et oiseaux il laissa l'image d'un maître dans la peinture de chevaux et de paysages. En tant que peintre de chevaux on cite souvent la peinture intitulée "A l'unisson (Tiaoliang tu)"(N 1) et qui représente un gentilhomme toungouse et son cheval pris dans un vent violent qui s'inspire du style de Han Gan, un artiste de la dynastie Tang. Le vent se manifeste dans le mouvement imprimé à la crinière et à la queue du cheval et dans les plis du vêtement du cavalier qui a mis pied à terre. Les traits sont précis dans leur analyse des formes. Son rejet de la technique raffinée de son époque en faveur du style plus grossier du VIIIe siècle, celui des Tang, apparait par contre dans un paysage célèbre "Couleurs d'automne sur les monts Qiao et Hua". Cette œuvre picturale et poétique (National Palace Museum) tient son étrange aspect du fait qu'il s'agit d'un paysage peint de mémoire qui effectue le montage de deux sites éloignés de plusieurs kilomètres. Zhao Mengfu a su ainsi créer un nouveau style exprimant les images de l'esprit et du cœur. Pour représenter la texture des collines et des bancs de sable, il a utilisé la technique de traits dits rides en « fibres de chanvre » de Dong Yuan (Xe siècle) et les couleurs rappellent le style bleu-vert de la dynastie Tang (618-907). Toutefois, les traits de texture empruntés à la calligraphie sont une innovation.

En tant que calligraphe, ses maîtres étaient les deux Wang (Wang Xizhi et Wang Xianzhi). Le style de Zhao Mengfu est éclairé par la référence à l'œuvre de Wang Xizhi : Cette écriture effectue déjà la synthèse de plusieurs styles. Wang Xizhi s'inspire de la sigillaire des Qin (dynastie Qin, 221-206 av. J.-C.) comme de la chancellerie des Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.) pour les fondre avec les écritures régulières, courante et cursive et ainsi donner forme à un style calligraphique parfait. Pour Zhao Mengfu la référence à ce maître ancien, qui avait connu lui aussi une période de changement de régime et se tournait vers une synthèse des styles anciens, n'était pas dépourvu aussi de portée politique depuis le poste important qu'occupait Zhao dans l'administration de la dynastie Yuan, dynastie "mal acceptée" par nombre des anciens membres de l'administration Song.

Enfin Zhao fut un très grand peintre de bambous, vieux arbres et rochers, qu'ils soient vus en gros plan ou intégrés en premier plan d'un paysage dégagé, comme ceux de Dong Yuan. Dans un premier temps il s'inspira du genre créé par Wen Tong (1018-1079) et Su Shi (1036-1101). Puis dans la deuxième partie de sa vie il donna à sa peinture un style plus calligraphique. Lorsque l'artiste lui même ajoute lui même un poème à sa peinture sous les Song, les deux œuvres n'interagissent pas dans la composition de la peinture et sont considérées individuellement." Toute la valeur de la peinture de Zhao Mengfu, sa nouveauté, voire sa "modernité", tient à l'imbrication signifiante de l'ensemble texte-image. Le rôle des jeux d'encre picturaux y est essentiel. Pour un connaisseur de l'art de Zhao Mengfu, Tang Hou, "peindre des fleurs de prunier [à l'encre] se dit écrire [xie] des fleurs de prunier ; peindre des bambous se dit écrire des bambous" (James Cahill). Les traits amples et lacérés de blanc (le "blanc volant" des calligraphes) façonnent les rochers, évoquent leur texture et les faisceaux pointus de traits coniques (le "déploiement des huit" de l'écriture régulière) figurent, dans la peinture de Zhao, le feuillage des bambous. Comme l'inscrit lui même Zhao Mengfu en accompagnement de "Rochers élégants et arbres épars" :

"Les rochers comme dans le "blanc volant", les arbres comme dans l'écriture des sceaux,

En peignant des bambous, on applique la technique du déploiement des huit.

Ceux qui comprennent cela

Savent que calligraphie et peinture ont toujours été la même chose."

Il reste qu'en avançant une telle affirmation il renouait aussi avec une très ancienne volonté de distinction revendiquée par les lettrés et qui a prétendu, tout au long de l'Empire, les poser très au dessus des peintres professionnels, considérés comme des artisans.

Danielle Elisseeff, Histoire de l'art : De la Chine des Song (960) à la fin de l'Empire (1912), Paris, École du Louvre, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux (Manuels de l'École du Louvre), 2010, 381 p. (ISBN 9782711855209) Ouvrage de référence, bibliographie et Sites Internet.
Yang Xin, Richard M. Barnhart, Nie Chonghzeng, James Cahill, Lang Shaojun, Wu Hung, Trois mille ans de peinture chinoise, Arles, Philippe Piquier, 2003, 402 p. (ISBN 2877306674). voir p 187.
Emmanuelle Lesbre, Liu Jianlong, La Peinture chinoise, Paris, Hazan, 2004, 480 p. (ISBN 2850259225).
Yolaine Escande, L'Art en Chine. La résonnance intérieure, Paris, Hermann, 2001, 310 p. (ISBN 2705664246).
Jean François Jarrige, Jacques Giès, Pénélope Riboud, Yu Hui, Michael Loewe, Marie-Catherine Rey, Valérie Lavoix, Stéphane Feuillas, Jean-Pierre Diény, Montagnes célestes. Trésors des musées de Chine. Galeries Nationales du Grand Palais, Paris, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux, 2004 (ISBN 2711847705)
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Gabriele Fahr-Becker (sous la direction de), Les Arts de l'Asie orientale. Tome 1, Cologne, Könemann, 1999, 406 p. (ISBN 382901743X).
Jean François Billeter, Essai sur l'art chinois de l'écriture et ses fondements, Paris, Allia, 2010, 413 p. (ISBN 9782844853318).

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