mardi 1 janvier 2013

La circoncision de notre Seigneur

Premièrement, c'est l’octave de la Nativité du Seigneur. Si les octaves des autres saints sont solennelles, à plus forte raison le sera l’octave du Saint des saints. Mais il ne semble pas que la naissance du Seigneur doive avoir une octave, parce que sa naissance menait à la mort. Or, les morts des saints ont des octaves, parce qu'alors ils naissent pour arriver à une vie éternelle, et pour ressusciter ensuite dans des corps glorieux. Par la même raison, il semble qu'il ne doive pas y avoir d'octave à la Nativité de la bienheureuse Vierge et de saint Jean-Baptiste, pas plus qu'à la résurrection du Seigneur, puisque cette résurrection a eu lieu réellement. Mais il faut observer, d'après le Prépositif *, qu'il y a des octaves de surérogation, comme est l’octave du Seigneur, dans laquelle nous suppléons à ce qui n'a pas été convenablement fait dans la fête, savoir, l’office de celle qui met au monde. Aussi autrefois c'était la coutume de chanter la messe Vultum tuum, etc., en l’honneur de la sainte Vierge. Il v a encore des octaves de vénération, comme à Pâques, à la Pentecôte, pour la sainte Vierge, et pour saint Jean-Baptiste ; d'autres de dévotion, comme il peut s'en trouver pour chaque saint; d'autres enfin qui sont symboliques, comme sont les octaves instituées en l’honneur des saints et qui signifient l’octave de la résurrection.
* Ou Maître Prévost, chancelier de Paris, qui vivait en 1217; il a laissé une Somme Théologique qui n'a pas été imprimée.
Secondement, c'est l’imposition d'un nom nouveau et salutaire. Aujourd'hui en effet il fut imposé au Sauveur un nom nouveau que la bouche du Seigneur a donné : « Aucun autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes, par lequel nous dévions être sauvés. » « C'est un nom, dit saint Bernard, qui est un miel à la bouche, une mélodie à l’oreille, une jubilation au cœur. » « C'est un nom, dit encore le même Père, qui, comme l’huile, brille aussitôt qu'on l’emploie, nourrit, quand on le médite ; il oint et il adoucit les maux à l’instant qu'on l’invoque. » Or, J.-C. a eu trois noms, comme l’évangile le dit, savoir, Fils de Dieu, Christ et Jésus. Il est appelé Fils de Dieu, en tant qu'il est Dieu de Dieu; Christ, en tant qu'il est homme dont la personne divine a pris lia nature humaine; Jésus, en tant qu'il est Dieu uni à l’humanité. Au sujet de ces trois noms, écoutons saint Bernard: « Vous qui êtes dans la poussière, réveillez-vous et chantez les louanges de Dieu. Voici que le Seigneur vient avec le salut; il vient avec des parfums, il vient avec gloire. En effet Jésus ne vient pas sans sauver, ni le Christ sans oindre. Le fils de Dieu ne vient pas sans gloire, puisqu'il est lui-même le salut ; il est lui-même le parfum, lui-même la gloire. » Mais il n'était pas connu parfaitement sous ce nom avant la passion. Quant au premier en effet, il n'était connu de quelques-uns que par conjecturé, par exemple, des démons qui le disaient Fils de Dieu; quant au second, il n'était connu qu'en particulier, c'est-à-dire de quelques-uns, mais en petit nombre, comme étant le Christ. Quant au troisième, il n'était connu que quant au mot, Jésus n'était pas (135) compris d'après sa véritable signification qui est sauveur. Mais après la résurrection, ce triple nom fut clairement manifesté : le premier par certitude, le second par diffusion, le troisième par signification. Or, le premier nom c'est Fils de Dieu. Et pour prouver que ce nom lui convient à bon droit, voici ce que dit saint Hilaire en son livre de la Trinité : « On connut de plusieurs manières que le Fils unique de Dieu est N.-S. J.-C. Le Père l’atteste ; il s'en avantage, lui-même; les apôtres le prêchent; les hommes religieux le croient ; les démons l’avouent ; les juifs le nient ; les gentils l’apprennent dans sa passion. » Le même père dit encore : « Nous connaissons N.-S. J.-C., de ces différentes manières, par le nom, par la naissance, par la nature, par la puissance et par la- manifestation. » Le second nom c'est Christ, qui signifie oint. En effet, il fut oint d'une huile de joie au-dessus de tous ceux qui participeront à sa gloire » (saint Paul aux Hébr.). En le disant oint, on insinue qu'il fut prophète, athlète, prêtre et roi. Or, ces quatre sortes de personnes recevaient autrefois des onctions. Il fut prophète dans l’enseignement de la doctrine, athlète en déformant le diable, Prêtre en réconciliant les hommes avec son père, roi en rétribuant des récompenses. C'est de ce second nom que vient le nôtre. Nous sommes appelés chrétiens de Christ. Voici ce que saint Augustin dit de ce nom: « Chrétien, c'est un nom de justice, de bonté, d'intégrité, de patience, de chasteté, de pudeur, d'humanité, d'innocence, de piété. Et toi, comment le revendiques-tu ? comment te l’appropries-tu; quand c'est à peine s'il te reste quelques-unes de ces (136) qualités? Celui-là est chrétien qui ne l’est pas seulement par le nom, mais encore par les oeuvres » (saint Augustin). Le troisième nom c'est Jésus. Or, ce nom de Jésus, d'après saint Bernard, veut dire nourriture, fontaine, remède et lumière. Mais ici la nourriture a des effets multiples; c'est une nourriture confortable, elle engraisse, elle endurcit et elle donne la vigueur. Ecoutons saint Bernard sur ces qualités : «C'est une nourriture que ce nom de Jésus. Est-ce que vous ne vous sentez pas fortifiés, toutes les fois que vous vous en souvenez? Qu'y a-t-il qui nourrisse tant l’esprit de celui qui y pense? quoi de plus substantiel pour réparer les sens fatigués, rendre les vertus plus mâles, fomenter les bonnes moeurs, entretenir les affections chastes? » Secondement; c'est une fontaine. Saint Bernard en donne la raison. « Jésus est la fontaine scellée de la vie, qui se répand dans les plaines par quatre ruisseaux, qui sont pour nous sagesse, justice, sanctification, et rédemption : sagesse dans la prédication, justice dans l’absolution des péchés, sanctification dans la conversation ou la conversion, rédemption, dans la passion. » En un autre endroit ce père dit encore : « Trois ruisseaux émanèrent de Jésus : la parole de douleur, c'est la confession ; le sang de l’aspersion, c'est l’affliction; l’eau de purification, c'est la componction. » Troisièmement c'est un remède. Voici ce que le même Bernard dit : « Ce nom de Jésus est encore un remède. En effet rien comme lui ne calme l’impétuosité de la colère, ne déprime l’enflure de l’orgueil, ne guérit les plaies de l’envie, ne repousse les assauts de la luxure, n'éteint la flamme de la convoitise, (137) n'apaise la soif de l’avarice et ne bannit tous les désirs honteux et déréglés. » Quatrièmement, c'est une lumière, dit-il: « D'où croyez-vous qu'ait éclaté sur l’univers entier la si grande et si subite lumière de la foi, si ce n'est de la prédication du nom de Jésus ? C'est ce nom que Paul portait devant les nations et les rois comme un flambeau sur un candélabre. » En outre ce nom est d'une bien brande suavité. « Si vous écrivez un livre, dit saint Bernard, je ne suis pas content si je n'y lis Jésus ; si vous discutez, si vous conférez, je ne suis pas content, si je n'entends nommer Jésus. » Et Richard de Saint-Victor : « Jésus, dit-il; est un nom suave, un nom délectable, un nom qui 'conforte le pécheur, et un nom d'un bon espoir. Eh bien donc, Jésus, soyez-moi Jésus. » Secondement c'est nu nom d'une grande vertu. Voici les paroles de Pierre de Ravesne : « Vous lui imposerez le nom de Jésus, c'est-à-dire, le nom qui a donné aux aveugles la vue, aux sourds l’ouïe, aux boiteux le marcher; aux muets la parole, aux morts la vie, et la vertu de ce nom a mis en fuite toute la puissance du diable sur les corps obsédés. » Troisièmement, il. est d'une haute excellence et sublimité. Saint Bernard : « C'est le nom de mon Sauveur, de mon frère, de ma chair, de mon sang; c'est le nom caché au siècle, mais qui a été révélé à 1a fin des siècles: nom admirable, nom ineffable, nom inestimable, et d'autant plus admirable qu'il est inestimable, d'autant plus gracieux qu'il est gratuit. » Ce nom de Jésus lui a été imposé par l’Eternel, par l’ange, par Joseph, son père putatif. En effet Jésus signifie Sauveur. Or, Sauveur se dit de trois manières : de la puissance de (138) sauver, de l’aptitude à sauver, de l’action de sauver.
Quant à la puissance, ce nom lui convient de toute éternité; à l’aptitude de sauver, il lui fut imposé ainsi par l’ange et il lui convient dès le principe de sa conception; à l’action de sauver, Joseph le lui imposa en raison de sa passion future, et la glose sur ces paroles, « vous l’appellerez Jésus », dit : Vous imposerez un nom qui a été imposé par l’ange ou par l’Eternel ; et la glose touche ici la triple dénomination qu'on vient d'établir. Quand on dit : vous imposerez le nom, on veut faire entendre la dénomination par Joseph ; quand on dit: qui a été imposé par l’ange ou par l’Eternel, on veut faire entendre les deux autres. Donc c'est à bon droit qu'au jour qui commence l’année, selon la constitution de Rome, la capitale du monde, au jour qui est marqué de la lettre capitale de l’alphabet *; le Christ, le chef de l’Eglise est circoncis, qu'un nom lui est donné et qu'on célèbre le jour de l’octave de sa naissance.
Troisièmement, l’effusion du sang de J.-C. C'est aujourd'hui en effet que la première fois, pour nous, il a commencé à verser son sang, lui qui plus tard a voulu le répandre plus d'une fois. Car il a versé pour nous son sang à cinq reprises différentes : 1° dans la circoncision, et ce fut le commencement de notre rédemption ; 2° dans la prière (du jardin) où il manifesta son désir de notre rédemption; 3° dans la flagellation, et cette effusion fut le mérite de notre rédemption, parce que nous avons été guéris par sa lividité; 4° dans la crucifixion, et ce fut le prix de notre rédemption, car il a payé alors ce qu'il n'a pas pris (Ps. LXVIII, 5); 5° dans l’ouverture de son côté, et ce fut le sacrement de notre rédemption. En effet, il en est sorti du sang et; de l’eau, ce qui figurait due nous devions être purifiés par l’eau du baptême, lequel devait tirer toute son efficacité du sang de J.-C.
*Dans le calendrier, chaque jour de la semaine est distingué par une des sept premières lettres de l’alphabet, et le premier jour est marqué de l’A capitale ou majuscule.
Quatrièmement enfin, le signe de la circoncision que J.-C. a daigné recevoir aujourd'hui. Or, le Seigneur voulut être circoncis pour beaucoup de motifs. 1° Pour lui-même, afin de montrer qu'il avait pris véritablement une chair d'homme. Il savait du resté qu'on devait soutenir qu'il avait pris non pas un vrai corps, mais un corps fantastique, et c'est pour confondre cette erreur qu'il a voulu être circoncis et répandre alors de son sang ; en effet un corps fantastique ne jette pas de sang. 2° Pour nous-mêmes, afin de nous montrer l’obligation de nous circoncire spirituellement. Selon saint Bernard, « il y a deux sortes de circoncision qui doivent être faites par nous, l’extérieure dans la chair et l’intérieure dans l’esprit. La circoncision extérieure consiste en trois choses : dans notre manière d'être, afin qu'elle ne soit pas singulière; dans nos actions, pour qu'elles ne soient pas répréhensibles ; dans nos discours, afin qu'ils n'encourent pas le mépris. Semblablement, l’intérieure consiste en trois choses : savoir, dans la pensée, pour qu'elle soit sainte, dans l’affection pure, dans l’intention » (Saint Bernard). Par un autre motif, il a voulu être circoncis pour nous sauver. De même en effet que l’on cautérise un membre afin de (140) guérir tout le corps, de même J.-C. a voulu supporter 1a cautérisation de la circoncision pour que tout le corps mystique fût sauvé (Coloss., II). « Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, mais qui consiste dans le dépouillement du corps charnel, c'est-à-dire de la circoncision de J.-C. ; » la glose ajoute, dans le dépouillement des vices, comme par une pierre très aiguë, «or, la pierre était 1è Christ. » Dans l’Exode (IV, 25) on lit : « Séphora prit aussitôt une pierre très aiguë, et circoncit le prépuce de son fils. » Sur quoi la glose donne deux explications. La première : vous avez été circoncis, dis-je, d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, c'est-à-dire que ce n'est pas couvre d'homme, mais couvre de Dieu, c'est-à-dire circoncision spirituelle. Cette circoncision se fait par le dépouillement du corps charnel, savoir, le dépouillement de la chair de l’homme, c'est-à-dire des vices et des désirs charnels, d'après le sens qu'on attribue au mot chair, dans ce passage de saint Paul (1 Corinth., VIII) : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, etc... » Vous êtes, dis-je, circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par la main, mais d'une circoncision spirituelle. La deuxième explication de la glose est celle-ci : vous avez été circoncis, dis-je, en J.-C., et cela d'une,circoncision qui n'est pas faite par la main, c'est-à-dire d'une circoncision légale : cette circoncision qui vient de la main, se fait dans le dépouillement du corps charnel, savoir, du corps qui est chair, c'est-à-dire de la peau de la chair qui est enlevée dans la circoncision légale. Vous n'êtes pas, dis-je, circoncis de (141) cette circoncision, mais de la circoncision" de J.-C., c'est-à-dire spirituelle, dans laquelle tous les vices sont retranchés. Aussi on lit dans saint Paul aux Romains (II, 28) : « Le juif n'est pas celui qui l’est au dehors, et la véritable circoncision n'est pas celle qui se fait dans la chair et qui n'est qu'extérieure; mais le juif est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision du coeur se fait par l’esprit et non selon la lettre de la loi ; et ce juif tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu. Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme par le dépouillement du corps charnel, mais de la circoncision de J.-C. » 3° J.-C. a voulu être circoncis par rapport aux Juifs, afin qu'ils fussent inexcusables. Car s'il n'avait pas été circoncis, les Juifs auraient pu s'excuser et dire : Ce pourquoi nous ne vous recevons pas, c'est que vous n'êtes pas semblable à nos pères. 4° Par rapport aux démons, afin qu'ils ne connussent pas le mystère de l’incarnation. En effet, comme la circoncision était faite contre le péché originel, le diable crut que J.-C., qui était circoncis lui-même, était un pécheur semblable aux autres, puisqu'il avait besoin du remède de la circoncision. C'est pour cela aussi qu'il a voulu que sa mère fût mariée, quoiqu'elle soit toujours restée vierge. 5° Pour accomplir toute justice. Car, de même qu'il a voulu être baptisé pour accomplir toute justice, c'est-à-dire toute humilité, laquelle consiste à se soumettre à moindre :que soi, de même aussi il a voulu être circoncis afin de nous offrir un modèle d'humilité, puisque lui, l’auteur et le maître de la loi, a voulu se soumettre à la loi. 6° Pour (142) approuver la loi mosaïque qui était bonne et sainte, et qui devait être accomplie, parce qu'il n'était pas venu détruire la loi, mais l’accomplir. Et saint Paul a dit aux Romains (XV, 8) : « Je vous déclaré que J.-C. a été le ministre des circoncis afin que Dieu fût reconnu véritable. par l’accomplissement des promesses faites à leurs pères. »
Quant aux raisons pour lesquelles la circoncision se faisait le huitième jour, on peut en assigner un grand nombre. 1° Selon le sens historique ou littéral. D'après le rabbin Moïse, profond philosophe et théologien, quoique juif, l’enfant, dans les sept jours qui suivent sa naissance, a les chairs aussi molles qu'il les avait dans le sein de sa mère, mais à huit jours il s'est fortifié et affermi, et c'est pour cela, ajoute-t-il, que le Seigneur n'a pas voulu que les petits enfants fussent circoncis, de peur qu'à cause de cette trop grande mollesse, ils ne fussent par trop blessés ; et il n'a pas voulu que la circoncision eût lieu plus tard que le huitième jour, pour trois causes que ce philosophe énumère : 1° afin d'éviter le péril de mourir auquel aurait, pu être exposé l’enfant, si on l’avait différée davantage ; 2° pour épargner la douleur à l’enfant : dans la circoncision, en effet, cette douleur est très vive ; aussi le Seigneur a-t-il voulu que la circoncision se fit alors que l’imagination des enfants est peu développée pour qu'ils en ressentissent une moindre douleur ; 3° pour épargner du chagrin aux parents, car comme la plupart des petits enfants mouraient de la circoncision, s'ils avaient été circoncis quand ils seraient devenus grands et qu'ils en fussent morts, le chagrin des (143) parents eût été plus grand que s'ils eussent succombé à huit jours seulement. 2° Selon le sens anagogique ou, céleste. La circoncision avait lieu au huitième jour pour donner à comprendre que dans l’octave de la résurrection, nous serions circoncis de toute peine et misère. Et d'après cela, ces huit jours seront les huit âges : le 1er d'Adam à Noë , le 2e de Noë à Abraham ; le 3e d'Abraham à Moïse ; le 4e de Moïse à David; le 5e de David à J.-C. ; le 6e de J.-C. à la fin du monde ; le 7e de la mort; le 8e de la résurrection. Ou bien encore par les huit jours, on entend les huit qualités que nous posséderons dans la vie éternelle et que saint Augustin énumère ainsi : « Je serai leur Dieu, c'est-à-dire, je serai ce qui les rassasiera. Je serai tout ce qu'on peut honnêtement désirer : vie, salut, force, abondance, gloire, honneur, paix et tout bien. Par les sept jours, on entend encore l’homme composé du corps et de l’âme. Il y a quatre jours qui sont les quatre éléments dont se compose le corps, et les trois jours sont les trois puissances de l’âme qui sont le concupiscible, l’irascible et le rationnel. L'homme donc qui maintenant a les sept jours, dès lors qu'il sera conjoint avec l’unité clé l’éternelle incommutabilité, aura alors huit jours, et dans ce huitième jour, il sera circoncis et délivré de toute peine et de toute coulpe. 3° Selon le sens tropologique ou moral, d'après lequel les huit jours peuvent être expliqués de diverses manières. Le premier peut être la connaissance du péché, d'après le Psalmiste : « Voici que je connais mon iniquité » (Ps. L). Le second c'est le bon propos de quitter le mal et de faire le bien; il est indiqué par l’enfant prodigue qui (144) dit : «Je me lèverai et j'irai à mon père. » Le troisième c'est la honte du péché, sur quoi l’apôtre dit : « Quel fruit avez-vous donc retiré de ce qui vous fait. maintenant rougir. » Le quatrième, c'est la crainte du jugement futur. « J'ai craint Dieu comme des flots suspendus au-dessus de moi » (Job). « Soit que je mange, soit que je boive, soit que je fasse quelque autre chose, il me semble toujours entendre résonner. à mes oreilles, cette parole : « Levez-vous; morts, et venez au jugement » (Saint Jérôme). Le cinquième, c'est la contrition, ce qu'a dit Jérémie (VI, 26) : « Pleurez comme une mère qui pleure son fils unique. » Le sixième, c'est la confession (Ps. XXXI, 5) : « J'ai dit : je confesserai contre moi-même mon injustice au Seigneur. » Le septième, c'est l’espoir du pardon. Car quoique Judas eût confessé son péché, il ne l’a cependant pas fait avec espoir de pardon, aussi n'a-t-il pas obtenu miséricorde. Le huitième, c'est la satisfaction : et ce jour-là, l’homme est circoncis spirituellement, non seulement de la coulpe, mais encore de tout châtiment. Ou bien les deux premiers jours sont la douleur de l’action du péché et le désir de s'en corriger : les deux suivants, de confesser le mal que nous avons fait et le bien que nous avons omis ; les quatre autres sont la prière, l’effusion des larmes, l’affliction du corps et les aumônes. Ces huit jours peuvent fournir encore huit considérations sérieuses pour détruire en nous toute volonté de pécher; en sorte qu'une seule opérera une grande abstinence. Saint Bernard en énumère sept en disant : « Il y a sept choses qui sont de l’essence de l’homme; s'il les considérait, il ne (145) pécherait jamais, savoir, une matière vile, une action honteuse, un effet déplorable, un état chancelant, une mort triste, une dissolution misérable et une damnation détestable. La huitième peut offrir la considération d'une gloire ineffable. » 4° Selon le sens allégorique ou spirituel. Alors cinq jours seront les cinq livres de Moïse, qui contiennent la loi, les deux autres seront les prophètes et les psaumes ; le huitième jour sera la doctrine évangélique. Mais dans les sept premiers jours, il n'y avait pas circoncision parfaite, tandis que dans le huitième, il se fait une circoncision parfaite de toute coulpe et de toute peine; c'est maintenant l’objet de notre espérance, mais enfin elle sera réalisée. Quels motifs a-t-on pu avoir en circoncisant ? On en assigne six que voici : « caustique, signe, mérite, remède, figure, exemple. »
Quant à la chair de la circoncision du Seigneur, un ange l’apporta, dit-on, à Charlemagne qui la déposa avec honneur à Aix-la-Chapelle dans l’église de Sainte-Marie. Il l’aurait portée plus tard à Charroux *, et elle serait maintenant à Rome dans l’église qu'on appelle le Saint des Saints, où l’on voit cette inscription : « Ici se trouvent la chair circoncise de J.-C., son nombril et ses sandales. » C'est ce qui fait qu'il y a une station au Saint des Saints. Si tout cela est vrai, il faut avouer que c'est bien admirable. Car comme la chair est vraiment de la nature humaine, nous croyons que, J.-C. ressuscitant, elle est retournée à son lieu avec gloire. Cette assertion serait vraie dans l’opinion de ceux qui avancent que cela appartient seulement à la nature humaine véritable reçue d'Adam, et celle-ci ressuscitera seule. Il ne faut pas passer sous silence qu'autrefois les païens et les gentils se livraient en ces calendes à bon nombre de superstitions que les saints eurent de la peine à extirper même parmi les chrétiens, et dont saint Augustin parle en un sermon. « On croyait, dit-il, que Janus était Dieu ; on lui rendait de grands honneurs en ce jour : il était représenté avec deux visages, l’un derrière et l’autre par-devant, parce qu'il était le terme de l’année passée et le commencement de la suivante. En outre, en ce premier jour, on prenait des formes monstrueuses ; les uns se revêtaient de peaux d'animaux, d'autres mettaient des têtes de bêtes, et ils prouvaient par là qu'ils n'avaient pas seulement l’apparence de bêtes, mais qu'ils en avaient le fonds. D'autres s'habillaient avec des vêtements de femmes, sans rougir de fourrer dans les tuniques des femmes des bras accoutumés à porter l’épée. D'autres observaient si scrupuleusement les augures, que si quelqu'un leur demandait du feu de leur maison ou réclamait un autre service, ils ne le lui accordaient pas. On se donne encore et on se rend mutuellement des étrennes diaboliques. D'autres font préparer des tables splendides pendant la nuit, et les laissent servies dans la croyance que, pendant toute l’année, leurs repas auront toujours la même abondance. » Saint Augustin ajoute : « Celui qui veut observer en quelque point la coutume des païens, il est à craindre que le nom de chrétien ne lui serve à rien. Car celui qui met de la (147) condescendance pour partager les jeux de quelques insensés, ne doit pas douter qu'il ne participe à leur péché. Pour vous, mes frères, qu'il ne vous suffise pas de ne pas commettre cette faute, mais partout où vous la verrez commettre, reprenez, corrigez et châtiez. » (Saint Augustin.)
* Histoire scholast., Ev. c. VI, note.

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